« Excellences, Messieurs les membres et responsables d’Europe ». Ainsi commençait la lettre écrite par Yaguine Koïta, quatorze ans, et Fodé Tounkara, quinze ans, dont les corps étaient retrouvés le 2 août 1999 dans un avion atterrissant à Bruxelles. C’était il y a vingt ans. Ce mardi 30 juillet, une petite cérémonie de commémoration était organisée au cimetière Cameroun de Conakry. Les familles de Fodé et Yaguine, ainsi que plusieurs membres de l’ONG belge « Amitié sans frontières », avaient fait le déplacement pour se recueillir sur la tombe des deux enfants.

Liman Koïta, père de Yaguine, peine à retenir ses larmes. Vingt ans après la douleur est toujours vive et le sujet plus que d’actualité. « Il y a des naufragés dans la Méditerranée. On se rappelle toujours du message de Yaguine et Fodé. Ça me fait très mal, parce que si le message de Yaguine et Fodé avait été entendu par les excellences auxquelles ils ont adressé leur lettre, il n’y aurait pas eu tous ces drames aujourd’hui ».

« 36 000 morts en Méditerranée »

Le cimetière Cameroun ressemble à une petite jungle sous cette pluie tropicale. Autour de la tombe des deux enfants, des membres de l’ONG « Amitié sans frontières » ont fait le déplacement depuis Bruxelles. Ils avaient, à l’époque, organisé le rapatriement des corps des deux enfants. « C’est surtout important pour nous de ‘’visibiliser’’ les effets de la politique européenne sur les vies humaines, toute cette hypocrisie, aussi, des frontières qui se ferment de manière de plus en plus violente, avec les conséquences que l’on connaît. Depuis lors, la situation ne s’est pas améliorée. On en est à 36 000 morts en Méditerranée, donc ce sont des combats que l’on doit poursuivre », nous explique Loïc Fraitur.

Un peu en retrait, la mère de Fodé, Damaye Kourouma prononce quelques mots de remerciements pour l’organisateur de la cérémonie, Oumar Kourouma. « On a vu que, vingt ans après, le message de Yaguine et Fodé, la lettre n’est pas encore comprise. Ils ont demandé l’éducation et encore maintenant on a des problèmes d’éducation et de santé, de soins de base », conclut l’organisateur de l’hommage.

Dans leur lettre, les deux enfants écrivaient: « Au niveau des problèmes, nous avons la guerre, la maladie, le manque de nourriture, etc. Quant aux droits de l’enfant en Afrique, et surtout en Guinée, nous avons des écoles mais un grand manque d’éducation et d’enseignement. Sauf dans les écoles privées où l’on peut avoir une bonne éducation et un bon enseignement, mais il faut une forte somme d’argent. Or, nos parents sont pauvres et il leur faut nous nourrir. »

Une marche est prévue ce vendredi 2 août dans l’après-midi à Conakry, près de l’aéroport, en mémoire de Yaguine et Fodé.

SOURCE : RFI