Abdoulaye Bah, le secrétaire national chargé de l’animation et du marketing politique de l’UFDG, également membre du conseil politique du parti, a accordé une interview exclusive à la rédaction de loura.info ce lundi, 24 avril 2022. Ce responsable de l’Union des Forces Démocratiques de Guinée a brossé plusieurs sujets relatifs à la vie politique guinéenne.
Loura.info: Actualité oblige, comment vous avez accueilli l’annonce faite par les autorités du CNRD concernant la libération de l’ex-président guinéen Alpha Condé ?
Abdoulaye Bah: Je pense que cette décision du CNRD tente de séduire la CEDEAO qui a menacé la Guinée des sanctions. Autrement, M. Alpha Condé doit être dans liens de la loi. Alors sa liberté est discutable, puisqu’il va rester en Guinée. Je ne pense pas qu’il va être libre d’aller à Kindia ou à Kankan ou à N’Zérékoré, il va plutôt dans une villa, dans une maison ici à Conakry, rencontrer sa famille et ses amis. Et donc, c’est une liberté qui n’est pas totale. Je pense que les associations de défense des droits des victimes et d’autres institutions et citoyens pourront saisir cette semi-liberté pour intenter des actions en justice. Donc, ça ne peut être qu’une bonne nouvelle pour les victimes.
D’aucun pensent que Alpha Condé doit répondre de sa gestion de la Guinée…
Oui, c’est logique. Quand vous avez géré, vous avez ce qu’on appelle administrativement le principe de la redevabilité. Vous devez rendre des comptes, ça, c’est au niveau de la gestion administrative. Maintenant, pour le cas de Alpha Condé et de son régime, il y a quand même eu beaucoup de crimes, il y a eu beaucoup de morts ici, des jeunes de votre âge, beaucoup de personnes ont été blessées dans ce pays, par le fait des policiers, des gendarmes et des militaires qu’il avait mis dans la rue contre les manifestations. Et puis, il y a eu beaucoup de crimes économiques, et là, la CRIEF est créée dans ce cadre là. Aujourd’hui, on a commencé à interpeller ses anciens collaborateurs, et oui, c’est une très bonne chose. On espère que la justice qui a été appelée la boussole par le colonel DOUMBOUYA ne va pas être un simple langage, un simple slogan. Il va se traduire dans les faits, dans les actes pour que pour une fois ceux qui gèrent mal répondent de leurs actes, ceux qui tuent à travers le pouvoir et pour le pouvoir également répondent de leurs actes.
Vous pensez la même chose pour Alpha Condé ?
Bien entendu, il est le premier concerné. C’était le commandant en chef.
Alpha Condé a eu à rencontrer certains cadres de sa famille politique, selon vous, c’est dans quelle ambiance ils se seraient retrouvés ?
Des anciens malfaiteurs réunis après leur échec, je ne pense pas que ça soit une passée de plaisir. Ils vont se regarder sûrement en pensant à ce qu’ils ont été hier, ce qu’ils sont aujourd’hui, ce qu’ils ont fait hier. Je pense que c’est pourquoi l’homme doit être honnête avec lui-même, et surtout ne pas mentir à Dieu et à son peuple. Je ne pense pas que ça soit une rencontre de joie, de plaisir, de jouissance. Au contraire, c’est une rencontre de regrets, parce que c’est un coup d’État qui les a balayés d’un revers de la main. Je pense qu’ils ne doivent pas se sentir à l’aise.
L’autre question, c’est concernant le président de l’UFDG, Cellou Dalein Diallo. Il y a eu cette information qui a annoncé sa mort dans un accident de la circulation depuis la Mecque où il est parti faire la « Umra ». Quelles sont ses nouvelles aujourd’hui ?
Elhadj Cellou est en très bon état. Il n’est pas concerné par l’accident, lui, il n’a pas pris le bus. Iil a plutôt un véhicule qui lui a été affrété, qui le transporte avec une équipe privée. Elhadj Cellou n’est pas dans un bus à la Umra. Donc, Dieu merci, il est en bonne santé, et nous prions Dieu pour le repos des morts dans le bus qui a percuté un camion.
À quand le retour de Cellou Dalein Diallo au pays ?
Je pense qu’après la Umra, il ne va pas tarder à rentrer en Guinée. Les militants et sympathisants le recevront avec beaucoup de plaisirs, beaucoup de joie.
Comment vous avez apprécié le cadre de concertation inclusif initié par les autorités de la transition, à travers le CNRD?
Il y a eu ce décret créant un cadre de concertation en lieu et place d’un cadre de dialogue. Ça ne nous convient pas, parce que nous sommes en politique. Ils ont un pouvoir qui n’est pas donné par le peuple, c’est un pouvoir pris par les armes. Donc on appelle ça « illégitimité du pouvoir ». Donc, nous voulons ce pouvoir là à travers les urnes. À travers le vote des populations. Le cadre de dialogue est l’opération la mieux appropriée pour échanger avec des gens qui ont un pouvoir illégal, afin que ce pouvoir revienne de façon légale aux populations, et aux futurs gouvernants. Le cadre de dialogue a une posture, c’est deux parties à égalité. Il n’y a pas une partie qui est supérieure à une autre partie. Nous discutons à égalité et les décisions qui vont être prises vont être exécutées en commun accord par les deux parties. Contrairement au cadre de concertation, le décret d’ailleurs le fixe et que c’est le gouvernement et le CNRD qui vont piloter tout. Donc, finalement, les partenaires que nous sommes, les partis politiques, la société civile et les partenaires techniques et financiers n’ont pas beaucoup de poids, puisque la décision finale sera prise par le CNRD ou par le gouvernement. Donc, nous nous sommes des partis politiques, il faut respecter, ils sont dans un espace qui est le nôtre, l’espace politique. Je pense qu’on ne va pas se prêter à ce jeu pareil, un jeu de mots (concertation), venir questionner une manœuvre contre nous. C’est pourquoi le groupe des 58 partis politiques a décidé gentiment de décliner l’invitation, tout en restant ouvert à d’éventuelles rencontres. Mais cette fois-ci c’est sur le cadre de dialogue formel, inclusif, permanent et transparent. C’est ce que la classe politique réclame et, c’est ce que doit faire, si réellement on doit discuter des questions politiques.
En conclusion, comment définissez-vous la gestion de la transition par le CNRD jusqu’à maintenant ?
La transition avait soulevé beaucoup de joie, beaucoup d’espoirs, à travers le discours du colonel Mamadi DOUMBOUYA, le 05 septembre 2021. Tout le monde l’avait entendu, tout le monde était content qu’Alpha Condé et son régime soient balayés et qu’on est quand-même un sauveur, mais, à l’allure où vont les choses, nous avons des inquiétudes notamment, il a parlé de non recyclage, ça signifiait qu’il ne va pas faire du nouveau avec les anciens. Surtout des anciens qui ont participé à créer des problèmes dans ce pays. Malheureusement, ce n’est pas ce qu’on a vu. On a vu cette ministre des Travaux publics d’Alpha Condé qui a été reprise au niveau de la présidence de la République. Il y a quelques jours, nous avons vu ce fameux procureur de Dixinn, Sidy Souleymane N’diaye qui est l’auteur de plusieurs arrestations repris au niveau de la Cour des comptes. Tout ça fait peur, ça frustre. La maison de Cellou Dalein Diallo pour laquelle une procédure judiciaire, la boussole, a été saisie a été rasée dans un quartier, dans un secteur où il y a d’autres concessions. Je pense que ce n’est pas la seule maison qui appartient à l’État, parce que c’est une zone administrative. Tout ça, est extrêmement grave, tout ça ne va pas permettre de mettre en place l’harmonie dans le pays. Donc, aujourd’hui le cadre de dialogue, cette volonté d’exclure les partis politiques des échanges sur la politique de la République de Guinée ne présagera pas un lendemain meilleur. Il faut qu’ils changent, il faut qu’ils écoutent, il faut qu’ils sachent que c’est le peuple de Guinée, à travers la carte d’électeurs qui les ont mis là, ils ont pris les armes guinéennes , parce qu’ils sont habilités à les porter et ils ont renversé cette dictature que je félicite, que nous avons félicité d’ailleurs, mais, ils doivent œuvrer pour aller aux élections pour que les guinéens choisissent leurs responsables. Comme disait le général Béhanzin au niveau de la CEDEAO, la devise de l’armée, c’est surgir, agir et disparaître.
Bailo Baldé pour loura.info