Le ministre de l’Administration du territoire et de la décentralisation avait invité les coalitions politiques et les autres structures socioprofessionnelles à une cérémonie de restitution des propositions de chronogramme faites par les uns et les autres, le vendredi 29 avril 2022. L’ANAD de Cellou Dalein Diallo a, pour sa part, boudé cette invitation. Le président de la commission politique de l’ANAD et président de l’UGDD, Pépé Francis Haba, a expliqué pourquoi sa coalition n’a pas répondu à l’invitation qui a été faite par le ministre de l’Administration du territoire et de la décentralisation.  
Loura.info: Vous avez reçu une invitation du ministre Mory Condé pour une rencontre avec les acteurs du processus de la transition. C’était quoi le contenu de cette invitation ?
Pépé Francis Haba : Le ministre de l’Administration du territoire nous a invités à participer à la cérémonie de restitution des différentes propositions qui lui ont été faites dans le cadre du cadre de concertation inclusif que le président de transition avait mis en place, alors, nous, nous avons décidé de ne pas participer à cette cérémonie de restitution qui, pour nous, est une conséquence de notre non participation aux activités de ce cadre de concertation. Et c’est aussi une conséquence du fait que nous avions rejeté en bloc ce cadre de concertation qui ne répond pas du tout à nos préoccupations, à la préoccupation du peuple de Guinée. Nous avons demandé un cadre de dialogue autonome et décisionnel, à partir du moment où ils ont fait la sourde oreille, ils ne nous ont pas entendus, ils ont décidé de se concerter avec une proportion infime de la population, de la classe politique qui constitue à peine 5% de la population guinéenne. Nous considérons qu’ils ont décidé de faire cavalier seul. Nous ne pouvons pas être complices ou être comptables du folklore, puisque nous appelons ça un folklore qu’ils ont mis en place en pensant que c’est un cadre de dialogue national et inclusif. Pour nous, ce n’est pas un cadre de dialogue inclusif, puisque aucune de nos préoccupations, aucune de nos propositions n’ont pour le moment été prises en compte, nous avons demandé un facilitateur de la CEDEAO qu’ils ont refusé. Nous attendons à ce qu’ils revoient leur copie, qu’ils se mettent au dessus de la mêlée, qu’ils sachent qu’ils sont venus pour tous les guinéens, pour la classe politique, pour la société civile. S’ils n’ont pas d’agenda caché, qu’ils acceptent de rencontrer l’essentiel de la classe politique, la société civile qui représentent quand-même la grande majorité de la population pour qu’ensemble nous puissions définir le contenu de la transition et un chronogramme raisonnable et acceptable de tous.
Justement, comment vous appréciez la démarche de la CEDEAO de déployer une mission en Guinée après l’ultimatum expiré pour un chronogramme de la transition ?
C’est une excellente démarche, souvenez-vous que l’ANAD à travers son président avait fait le tour du monde en demandant aux présidents de la sous-région, à la communauté internationale de ne pas sanctionner la Guinée, étant donné que le coup d’État qui est intervenu est coup d’État exceptionnel, puisque la Guinée était déjà dans un régime antidémocratique, le troisième mandat était contre la constitution de 2010. Donc, cela a été. Si donc la CEDEAO accepte de venir en Guinée, de voir l’évolution de la situation, l’évolution des concertations entre le CNRD et les forces vives tant mieux pour nous. Je pense que le CNRD et son gouvernement doivent mettre cela à profit pour rapprocher la classe politique qui participe habituellement au débat politique national qui, constitue l’essentiel des 80 à 85 % de la population guinéenne, qu’ils acceptent de le recevoir pour qu’ensemble nous puissions parler d’une même voix et que nous puissions sortir de cette transition que nous voulons tous apaisée pour le bonheur de tous les guinéens.
Les résultats qui seront publiés par le ministre de l’administration du territoire vous concerneront à votre avis ?
Écoutez, pour nous c’est une cérémonie théâtrale, c’est une mise en scène. Le CNRD et son ministère de l’administration du territoire, ils veulent manipuler l’opinion nationale et internationale en mettant en scène cette cérémonie folklorique en disant que c’est les guinéens qui se parlent, non, les guinéens ne se parlent. Y’a une infime partie des guinéens qui a répondu à leur appel. Et, donc pour nous, étant donné que ce n’est pas l’essentiel de la classe politique, de la société civile qui se retrouve autour de la table là-bas, attention, les conclusions qui vont être trouvées ne nous engagent pas, ça n’engage que le CNRD et l la partie de la classe politique, la partie de la société civile qui a répondu à leur appel.
Selon vous, cette non participation de l’ensemble des forces vives à ce cadre de concertation inclusif a des conséquences ?
 Pourquoi pas, nous sommes dans un Etat de droit et nous appartenons à un monde globalisé, les lois guinéennes confèrent des droits aux associations, aux forces vives de la nation pour se faire entendre, en cas de refus des autorités de prendre en compte leurs différentes préoccupations. Nous sommes dans ce cadre là, nous ne voulons pas arriver assez rapidement à des manifestations ou à des sit-in, mais si le CNRD fait la sourde oreille et si nous n’avons pas d’autres voies de recours à un moment donné, nous serons obligés naturellement de faire entendre par ces voies là.
On termine par cette autre question relative à l’incarcération des anciens dignitaires du régime Condé. Quelle est votre appréciation sur cette démarche des autorités du CNRD ?
Je vais commencer par dire que la lutte contre la corruption, la lutte contre l’enrichissement illicite, la lutte contre des détournements des deniers publics, s’inscrivent en lettre d’or dans le programme de société de l’UGDD, le parti politique que je dirige, cependant ce que je souhaite que la justice travaille dans les règles de l’art. Que la présomption d’innocence, qu’on ait été ministre, qu’on soit leader politique ou pas que la présomption d’innocence de tous les accusés soit scrupuleusement respectée, et que les mandats de dépôt, la prison soient une exception et non la règle. Donc, moi je pense que s’il n’y a pas de risques pour des guinéens, surtout des Guinéens qui ont dirigé ce pays, des guinéens qui ont quand-même accepté prendre des risques pour aller occuper certaines fonctions sensibles, s’il n’y a pas de risques, s’il n’y a pas d’opportunités de les mettre en prison, qu’on les garde en résidence surveillée ou sous contrôle judiciaire. Moi, je préfère beaucoup plus cette méthode au lieu d’envoyer systématiquement tout le monde en prison.

Bailo Baldé pour loura.info