Cellou Baldé, ancien député, membre du bureau politique national et coordinateur des fédérations de l’intérieur de l’UFDG, a accordé ce vendredi, 29 avril 2022 une interview exclusive à la rédaction de loura.info. L’homme politique s’est exprimé sur plusieurs sujets de l’actualité guinéenne.

Comment vous êtes entrain de vivre l’incarcération des anciens dignitaires du régime Condé, les derniers en date c’est Amadou De Camara et Louncény Camara ?
 Bon, écoutez, je ne vais pas personnaliser le débat par rapport au rôle que la CRIEF est entrain de jouer dans notre pays, à ces anciens dignitaires du régime déchu. Je crois que ce n’est pas un secret pour les citoyens guinéens de savoir qu’il y a eu la gabegie dans ce pays. Il y’a eu la criminalité économique et la délinquance financière ces onze dernières années de gestion du pays par le RPG-ARC-EN-CIEL. Il faut le reconnaître, il y’a eu beaucoup de saignées financières, les citoyens ont tiré le diable par la queue, pendant ce temps une poignée de personnes se partageaient comme ça, à l’air libre, de façon tout à fait arrogante les ressources du pays. T’en a qui sont aujourd’hui des milliardaires en gnf, t’en a qui des millionnaires en dollars, et pendant ce temps, le pays manque de tout. Les infrastructures routières, les infrastructures sanitaires et éducatives, la sécurité, le niveau de vie du guinéen. Donc, ça quand-même ça saute aux yeux de la population et du citoyen lambda dans notre pays. Mais, ce qu’il faut dire, c’est que, moi aujourd’hui, c’est vrai que nous saluons un peu ce ratissage là, ce coup de balai au niveau de la gestion publique de notre pays, mais ce que moi je me pose comme question aujourd’hui, c’est quoi, qu’est-ce qu’on reproche à ces gens réellement ? Parce-que on parle de Amadou Damaro Camara est-ce que c’est en tant qu’ancien député de la huitième législature, est-ce qu’ancien député de la huitième législature, est-ce que c’est en tant qu’ancien président de l’Assemblée nationale de la neuvième législature, qu’est-ce qu’on lui reproche ? Quand vous prenez Louncény Camara, y’en a dans l’opinion qui pensent qu’il est incarcéré en tant qu’ancien président de la CENI, est-ce que c’est dans ses fonctions d’ancien président de la CENI qu’il avait opéré des détournements, est-ce que c’est quant il était ministre ? Aujourd’hui, la CRIEF doit être en mesure de nous dire que Monsieur Amadou Damaro Camara est poursuivi parce-qu’il est présumé avoir détourné cent milliards, deux cents milliards ou un million de dollars au niveau de l’Assemblée nationale oubien à tel niveau. C’est comme le cas de Kassory Fofana et les autres, tout le monde sait qu’il y’a eu détournement, tout le monde sait qu’il y’a  eu criminalité économique et délinquance financière à leur niveau, mais qu’est-ce qu’on leurs reproche ? Il est important que cela soit mis à la disposition de l’opinion. Parce-que on est tous d’accord que la justice fasse son travail, mais il faut que ce travail soit fait dans les règles de l’art. Il est important que l’opinion soit édifiée. Qu’à cela ne tienne, je crois que quand-même c’est à saluer que enfin la justice dans notre pays se bouge par rapport à ces crimes économiques, même si en tout cas, personnellement en tant que leader d’opinion et responsable politique dans notre pays, nous souhaitons également à ce qu’une juridiction dédiée aux crimes de sang soit enfin mise en place pour que les plus de cinq cents personnes tuées sous le régime de Monsieur Alpha Condé par rapport aux manifestations politiques que, ces cas là également soient élucidés.
Quel est votre appréciation sur l’ultimatum donné par la CEDEAO à la Guinée par rapport à la gestion de la transition, notamment l’établissement d’un chronogramme ?
Je crois que cette institution sous-régionale doit être beaucoup plus rigoureuse et regardant par rapport à ce qui se passe dans ces pays avec ces coups d’États, comme ils l’ont fait au  niveau du Mali, je crois que la Guinée également doit être suivie avec beaucoup de rigueur. J’ai salué l’initiative d’envoyer ici une délégation et je crois que cette fois-ci cette délégation de la CEDEAO ne va pas s’arrêter au niveau du CNRD et du gouvernement. Qu’elle va rencontrer les acteurs politiques, les acteurs de la société civile, les acteurs majeurs de la vie nationale. Je veux parler des forces vives de la nation, et que cette mission va aller en profondeur pour détecter le mal là où il est. On ne peut pas après plus de huit mois à être nargué par la junte au pouvoir sans aucun chronogramme, et fouler au sol le seul texte qui a acquis la légitimité du peuple, c’est-à-dire la charte de la transition, fouler cela au sol, violer l’article 77 de la charte, se retrouver quelques parts pour dire que nous sommes entrain de concocter un chronogramme et le présenter au peuple de Guinée, ça ne se passe pas comme ça, et donc, je salue cet ultimatum, je salue également l’initiative d’envoyer ici une délégation, mais je souligne que cette délégation devrait rencontrer l’ensemble des forces vives de la nation, notamment les acteurs majeurs de la vie politique nationale pour qu’ensemble nous puissions discuter de la question de la transition guinéenne.
Quel est le constat que vous faites sur l’opération de récupération des biens de l’État qui s’étend aujourd’hui à l’intérieur du pays ?
D’abord en tant qu’homme politique et leader d’opinion je déplore le fait que la justice est mise de côté dans ce processus de ce qu’on a appelé « récupération des biens de l’État ». De l’autre côté, je déplore le fait que la plupart des gouvernements qui se sont succédés ces derniers temps, notamment le gouvernement de transition sous Monsieur Moussa Dadis Camara, un peu sous Monsieur Alpha Condé et ce CNRD viennent de façon improvisée parler de la « récupération » des biens de l’État sans aucun programme de construction ne serait-ce que des logements sociaux pour les pauvres citoyens dans notre pays, ils viennent détruire, laisser ce pays dans un état de délabrement, comme l’ont fait les autres, alors qu’il n’y a aucun programme de construction. Aujourd’hui, quel est le programme de construction qui vous a été présenté en tant qu’homme de médias par le gouvernement de la République ou par le CNRD, aussi bien pour Conakry que pour l’intérieur du pays ? Sans compter qu’il y a parmi ces domaines dits domaines de l’État, il y’a des domaines qui ont été cédés dans les règles de l’art, conformément au code foncier et domanial, et ces domaines aujourd’hui ne sont pas entrain de faire l’objet d’examen minutieux pour savoir dans quelle condition les domaines ont été acquis. Est-ce que c’est sur une base légale ? Est-ce que c’est dans le cadre du respect de la loi, des règles et procédures ? On vient casser des maisons comme ça, comme c’est fut le cas pour la maison du président Cellou Dalein à Dixinn. On a commencé à Mamou, on va vers Pita, on va vers Labé, et de l’autre côté, nous sentons également du deux poids deux mesures, là, je parle en tout que citoyen guinéen et fils de Labé que, ce qui a été dit par le gouverneur de Kankan, ce n’est pas ce qui est entrain d’être fait dans les autres préfectures de la Guinée. Nous sentons de l’ethno-stratégie , du régionalisme dans cette approche du CNRD, ça, nous le déplorons. Et, c’est dans ce cas que je vais lancer un appel au CNRD et au colonel Mamadi DOUMBOUYA, de revoir leurs copies par rapport à cette affaire qu’ils appellent << récupération des biens de l’État pour faire en sorte que l’intérêt des populations soit mis en avant, parce-que quand tu entends l’État, c’est avant tout le peuple. Et, ce qu’il faut rappeler également, la réalité de 1958 est différente de la réalité de la Guinée de 1984, elle est différente de la réalité de la Guinée de 1993 tout comme elle est différente de la réalité de la Guinée de 2022. Ce qui avait été appelé par exemple à Labé, à Dalaba ou à Mamou, le contentieux franco-guinéen, il y’a eu des acquisitions sur la base des règles et des procédures. Je crois que le gouvernement et le CNRD doivent savoir raison gardée, examiner ces situations au cas par cas, ne pas aller seulement démolir les maisons des pauvres citoyens, alors qu’ils n’ont aucun programme de construction derrière.
Quelle est votre solution pour une gestion réussie de la transition ?
Le dialogue, le dialogue inclusif tel que prévu par l’article 77 de la charte de la transition, à savoir que le chronogramme, la durée de la transition seront fixés en commun accord entre les forces vives de la nation et le CNRD. Aucune autre institution, aucune autre instance, aucun autre organe de la transition ne peut se substituer à l’article 77. C’est de faire en sorte de sortir dans la manipulation, de sortir dans ce comportement de boulanger de vouloir rouler tout le monde dans la farine, de sortir dans ces velléités de faire perdurer la transition, pour mettre ensemble les acteurs des forces vives de la nation pour qu’ensemble nous définissions les contours, le contenu, les modalités de retour à l’ordre constitutionnel dans notre pays.
Bailo Baldé pour loura.info